jeudi 12 mars 2009

22 - Seul dans les dunes (5)


Je viens de me réveiller. Le soleil a disparu derrière la crête de la plus haute dune, mais la clarté est encore bonne. J’ai vécu en Argentine mais je découvre pour la première fois la Pampa qui est en fait un grand désert habité et exploité. L’élevage constitue l’activité principale. Chaque tête a un territoire gigantesque pour paitre. L’herbe haute qui pousse sur cette terre sablonneuse constitue pour ces animaux l’alimentation principale et presque exclusive. C’est surement la raison pour laquelle la viande Argentine est si bonne.

Dans mon esprit j’ai déjà abandonné. Il est tard. La plupart des pilotes moto ont déjà rejoint le bivouac 600 kilomètres plus loin. Il faudrait que je roule toute la nuit pour ensuite prendre immédiatement le départ de la spéciale suivante longue de 700 kilomètres, sans même bénéficier de l’assistance repartie très tôt vers la destination suivante, paradoxalement plus proche de là où je suis.
A Buenos Aires, j’avais promis á Catherine d’être extrêmement prudent. Je ne me réfugie pas derrière cette promesse pour excuser l’abandon. J’ai aussi l’intuition qu’il n’est pas raisonnable de s’acharner. J’ai toujours su mettre mon orgueil de côté pour prendre une décision lorsqu’il s’agissait de la sécurité, que ce fût en mer ou dans les airs. Je suis encore là aujourd’hui pour en témoigner. Le danger devient imminent lorsque l’on dépasse ses propres limites. Je suis venu vivre un rêve et pour l’heure le rêve s’achève ici. J’aurais finalement la chance de poursuivre en raid jusqu’á Buenos Aires en moto, mais je ne le sais pas encore.

Le camion balai arrive. L’équipe se présente et nous échangeons quelques plaisanteries pour aiguayer ce moment funèbre. La moto est vraiment enfoncée profondément. La grue sera nécessaire pour sortir la demoiselle de son piége . J’apprends que ce jour là une quinzaine de motos ont subi le même sort. Deux camions balais auront été nécessaires pour récupérer tout le monde. J’apprends aussi que la moto de mon ami Jean Christophe s’est fait rouler dessus par un camion russe, non pas que les camions russes soient plus lourds que les autres, mais leur conducteurs bien plus agressifs que la norme. Il a eu beaucoup de chance de s’en sortir indemne. En fait, il était en train d’uriner lorsque c’est arrivé. Il aura évité au moins de faire dans son pantalon.

Finalement je rejoins le CP et j’annonce que je vais me rendre directement sur Jacobaci. Une famille s’approche pour me féliciter. Je suis fatigué mais j’ai encore de la patience. J’offre mes gants autographiés á deux gamins fous de joie, en leur rappelant bien que pour réunir la paire, il faut qu’ils restent amis. Ce geste symbolise que pour moi le rallye est fini. Maintenant plus rien ne me contraint et il est tard. Je passerai donc la nuit dans un petit hôtel avec l’équipe d’ASO avec qui nous partageons dans la bonne humeur la meilleure Parillada de toute ma vie. Comme je n’ai pas de vêtements, un des commissaires me prête un T-shirts. Je marche pieds nus dans la rue. Je me sens libre.

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