lundi 23 mars 2009

25 - La chambre á air de Jordi Viladoms


Je retrouve le rallye et surtout mon équipe d’assistance qui malgré tout était inquiète de ne pas avoir de nouvelle précise. Certes, Gilles, le team manager, savait que j’avais quitté la spéciale sain et sauf mais il ne savait pas exactement où je me trouvais. La longue liaison de 600 kilomètres a contribué á mon abandon. Le rallye partait vers l’est pour revenir ensuite vers la cordillère des Andes á l’ouest. Cependant, cette même spécificité m’a permis de retrouver la caravane du Dakar. Je n’aurais jamais pu la rattraper si le tracé avait été en ligne droite plutôt qu’en boucle.

Gilles me félicite pour ma décision très mature selon lui. Au cours de ces 17 rallyes, il a vu en effet de nombreux concurrents se blesser gravement parce qu’ils se sont acharnés contre la fatigue. Piloter une moto sur les pistes est extrêmement dangereux. Le faire alors que le corps et l’esprit ne répondent plus devient suicidaire.

Malgré le réconfort plein de sagesse que je reçois, je suis triste. Je dois me faire á l’idée de quitter le rallye. Gilles me confirme que le règlement est formel sur le sujet. La chance va néanmoins me sourire car nous aurons l’occasion de discuter avec le directeur de course David Castera dit le « sanglier ». Les deux hommes se connaissent bien. Ils ont participé ensembles á de nombreuses courses á l’époque où David était encore le porteur d’eau de Stéphane Peterhansel. Pour ma part, c’est la première fois que je le rencontre et la sympathie s’installe très vite. Je suis en bonne santé, la moto marche maintenant parfaitement bien. Miraculeusement, David me donne l’autorisation de poursuivre l’épreuve, hors classement toutefois, et á mes risques et périls. Je suis fou de joie. Je vais pourvoir traverser deux fois la cordillère et surtout traverser le désert d’Atacama. Le classement m’importe peu depuis le début, bien qu’en toute honnêteté, j’aurais été bien évidement tres fiers de figurer á une place honorable.

De retour au camion, Gilles me demande si je peux lui échanger une chambre á air fine contre celle extrêmement épaisse et lourde de Jordi Viladoms. Depuis le début du rallye, les bibs mousses en polyuréthane fondent et la plupart des pilotes reviennent á une option de monte classique, ce qui a pour conséquence de provoquer une grande pénurie dans le parc assistance. Il se trouve que j’en ai encore de rechange. La mienne pesant deux fois moins, il lui sera plus facile de la transporter dans sa veste en cas de crevaison.
Pour me convaincre, Gilles me démontre que l'épais caoutchouc est indestructible. Cet argument n’était pas vraiment nécessaire pour que j’accepte le troc. Le simple fait que je puisse dépanner Jordi Viladoms, grand maitre du rallye raid, suffisait á lui seul. D’autre part, je suis un rescapé et cela provoque une certaine euphorie chez moi. J’ai envie d’aider tout le monde. Ors, je crèverais deux fois sur le parcours Mendoza – Valparaiso, au pied de la cordillère des Andes.

Ces crevaisons me permettent de découvrir á quel point le Dakar suscite de la passion auprès des habitants des régions traversées, et á quel point aussi ces mêmes personnes sont accueillantes et serviables. Il m’est impossible en effet de manipuler le moindre outil. Les badauds se ruent autour de la moto et un vieil homme m’arrache littéralement les démontes pneus des mains. Il est relativement maladroit et je crains qu’il ne se blesse. Toutefois je le laisse faire par respect pour son âge avancé et pour la spontanéité qu’il a démontré. Le 4 x 4 d’assistance d’Andres Memi, le pilote Brésilien, s’arrête à notre hauteur. Les mécaniciens n’ont pu résister au spectacle de ce doyen acharné sur ma roue arrière pendant que je signais des autographes á la grappe de gamins enthousiastes qui s’est formée autour de moi. J’apprends alors qu’Andres vient de chuter lourdement et qu’il a été évacué par hélicoptère dans un état grave . Nous avions eu l’occasion d’échanger quelques mots avant le départ car nous faisions partis de la même équipe.

C’est sous escorte des Carabinieros de Limache que j’atteins une station service après avoir crevé pour la deuxième fois sur la liaison. La réparation du bon samaritain n'a pas tenu mais je ne lui en veux pas. Il était tellement gentil que cela restera pour moi un excellent souvenir. C’est á cet endroit que la vie de la chambre á air réputée indestructible d’un des plus célèbres pilotes du Dakar se terminera, au fond d’une poubelle et dans l’indifférence la plus absolue.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est VRAIMENT super ce que tu fais. Bravo !!! Merci !!! Vite vite la suite.

Anonyme a dit…

Salut Pierre,
Ne lâche pas l’écriture de ton blog. Tu sais très bien rendre le moment du Dakar. C’est comme si on y était et ça nous permet de mesurer d’avantage le degré de difficulté que représente ce rally...
Aux plaisirs de vous revoir. Si jamais il y a une journée avec ta moto chez Moto Thibault, fait moi signe STP...

Merci et bonne journée !
Patrice Roux