mardi 24 mars 2009

26 - Les pilotes moto décimés


Les concurrents ont souffert de la chaleur, du terrain et de la poussière. Les pilotes moto plus que quiconque ont payé physiquement de leur personne pour découvrir que le Dakar en Argentine s’est avéré plus difficile qu’en Afrique.

Plusieurs pilotes dont certains favoris sont victimes d’avaries ou de chutes plus ou moins graves dés la première étape. Au cours de la deuxième étape, Pascal Terry est porté disparu avant que les secours ne le retrouve sans vie au terme de 2 jours de recherche. 90 pilotes se retrouvent perdus dans l’étape Jacobacci – St Raphael, alors qu’une tempête de grêle venue de nulle part s’abat sur le rallye, tempête si forte et improbable qu’elle a aussi mis les hélicoptères en danger. Un des concurrents est sauvé in extremis de l’hypothermie par le champion Chilien De Gavardo. L’Argentin Eduardo Alan est quand á lui retrouvé après 15 heures de recherche par des amis qu’il a pu contacter par cellulaire. La fatigue s’accumule et les abandons se succèdent. Il ne reste que la moitié des concurrents á l’arrivée á Valparaiso, ville choisie par A.S.O pour la journée de repos. Un pilote espagnol est plongé dans un coma profond. La queue au centre médical n’en finit pas. Les vestes d’enduro font place aux pansements et aux plâtres blancs sur lesquels aucun logo de commanditaire ne figure.

La presse s’active et une certaine effervescence se fait sentir. Les journalistes d’Europe1 et de RMC m’interrogent sur l’efficacité des mesures d’assistance et sur le fonctionnement des appareils de sécurité dont nous sommes tous équipés. Ils obéissent á leur devoir d’informer. Leur mission impartiale est déterminante car, vu de l’extérieur, l’hécatombe soulève au sein de l’opinion publique une polémique sur la difficulté de l’épreuve et sur les compétences de l’organisateur. Cette polémique a été alimentée en partie par l’abandon de Carlos Sainz qui a prétendu, après avoir chuté dans un précipice, que le road book comportait des erreurs.

David Casteras, directeur de course et ancien coéquipier de Peterhensel, a passé 100 jours sur le terrain en reconnaissance accompagné de vrais spécialistes tels que Jean Pierre Fontenay, vainqueur d’une édition du Dakar en tant que pilote officiel Mitsubishi. Ce sont des experts. Personne n’est mieux placé pour déterminer si les obstacles sont franchissables pour les motos, voitures et camions. Leur analyse a permis d’élaborer un parcours d’un niveau de difficulté suffisamment élevé pour qu’il s’inscrive dans la légende du Dakar.

Aucun rallye de saurait être comparé au Dakar. Cette course est plus difficile et plus longue que n’importe quelle autre course. Les pilotes venus en découdre et se mesurer á eux-mêmes dans un défi d’endurance ne s’attendent pas á participer á une promenade touristique. Ces volontaires sont venus chercher une aventure extrême en toute connaissance de cause. Nul ne peut ignorer que le rythme est de plus en plus rapide. La performance du matériel autorise des vitesses impressionnantes. La simple pratique de la moto est dangereuse mais l’esprit de compétition de plus en plus affirmé dans notre société toute entière contribue á ce que les pilotes prennent des risques parfois déraisonnables. Ils le font naturellement et sans contrainte. En effet, personne n’a obligé Annie Seel, Championne suédoise de rallye, á remonter sur sa moto et finir l’épreuve avec de nombreuses contusions et une épaule déboitée. De la même manière, Laurent Lazard roulera 3 jours avec le genou détruit par une roche avant de déclarer forfait. Mon ami Mario, le numéro 162, participait pour la 4eme fois au Dakar. C'est la premiere fois qu'il ne montait pas dans un hélicoptére médical. La difficulté rend la victoire encore plus belle. Terminer le Dakar constitue déjà en soi une incroyable victoire sur soi même. Aucun pilote ne voudrait d’un Dakar facile et sûr.

Les conditions pour participer á cette épreuve sont clairement définies avant le départ. Il faut avoir un bilan de santé irréprochable confirmé par des spécialistes de la médecine sportive. D’autre part, il faut avoir participé á des épreuves de niveau national avant de pouvoir prétendre s’inscrire á une épreuve régie par la Fédération Internationale de Moto.
Les candidats sont tenus de connaître des notions de survie. Cela n'est pas mentionné dans le reglement mais c'est la premiere regle de bon sens lorsque l'on s'engage dans une telle aventure. D'ailleurs, les pilotes recoivent un kit de survie obligatoire qui doit leur permettre d'attendre les secours pendant plusieurs jours, á condition de garder son sang froid et de bien sûr transporter ce matériel avec soi. Il faut se rappeler que cette course est aussi et avant tout une aventure. Il faut être responsable et savoir prendre en charge sa propre survie en considérant tout d'abord que la télécomunication obéit aux lois de l'atmosphere. Traverser l'Atlantique sans expérience en se disant qu'en cas de probléme on passera un petit coup de téléphone satellite serait la démonstration d'une grande stupidité.

A.S.O a su s’adapter aux contraintes variables durant le mois de Janvier 2009 en réduisant ou neutralisant certaines spéciales dans un souci de sécurité. La météo changeante a affecté bien évidement la nature du terrain et les conditions d’intervention des assistantes. Malgré les pressions subies, Etienne Lavigne et toute son équipe ont démontré le niveau de professionnalisme attendu au moment de prendre des décisions pour protéger les participants tout en préservant l’essence même du Dakar, autrefois connu sous le nom de Paris-Dakar.

Sur les 239 motos inscrites au départ, 113 rejoindront l’arrivée soit presque 50%. C'est beaucoup. En 1987, seuls 26 pilotes motos avaient pu sortir d'une spéciale historique en Algérie. A cette époque il n’y avait pas de moyens satellites pour localiser les concurrents, ni de téléphone pour avertir les secours. En 1976, Thierry Sabine resta bloqué 4 jours dans le désert. Cet incident presque fatal fut au contraire la révélation inspiratrice de cette course légendaire, une course ou seuls les méritants rejoindraient l’arrivée.
Sommes nous fous ? Peut être, mais pas plus que l'alpiniste qui escalade une face nord ou bien le navigateur qui traverse l'océan en solitaire. Les sensations éprouvées sont difficilement explicables avec des mots.

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