mardi 10 mars 2009

21 - Seul dans les dunes (4)


La chaleur est intense. Il n’est pas exagéré de penser que la température avoisine les 50 degrés. Malgré les litres d’eau que j’avale, mes lèvres sont sèches et craquelées. Je remonte sur la moto et mes amis d’un jour, d’un instant devrais je dire, me poussent pour m’aider á démarrer. Ce geste touchant est parfaitement inutile car seuls les chevaux de mon engin ont la puissance nécessaire pour m’élancer dans le sable. Je pense que ces gens éprouvent un besoin irrésistible d’exprimer leur joie d’avoir partagé un moment avec un concurrent. Je pense qu’ils rentreront chez eux ce soir en racontant á leur famille qu’ils ont vu un pilote du Dakar et que grâce á leur aide il a pu repartir. Et ce sera vrai d’une certaine manière car leur présence et leur encouragement ont constitué une aide morale certaine.

Je poursuis ma route. Une voiture rouge roule en marche arrière. La chaleur aurait elle rendu les gens fous ? La voiture finit par s’immobiliser ce qui fait mon affaire car je n’ai plus de moyen de navigation. Les traces au sol partent dans deux directions. Je m’arrête á hauteur du véhicule pour leur demander par signe si je dois partir par là ou bien par là. Ils me répondront aussi de la main qu’il faut que je parte par là. Cette demande est parfaitement inutile car rien ne me prouve que mes informateurs connaissent la bonne réponse. Après tout, il y a bien deux traces sur le sol qui montrent que les avis sont partagés. A cet instant je prends cette indication comme une parole d’évangile. Je parts donc par là.

Le sable devient de plus en plus mou. Je ne sais pas combien de kilomètres me séparent de la fin de la spéciale. Je m’enlise une première fois. Pour sortir la moto de cette situation, il n’y a qu’un seul moyen. Je la secoue violament de droite á gauche pour finalement la coucher sur un coté. Puis je la fais pivoter pour dégager la roue arrière de son trou. Je redresse la moto, j’enclenche la première et je pousse fort sur le guidon pour l’aider á prendre de l’élan avant de sauter sur la selle une fois certain qu’elle ne va pas s’enfoncer de nouveau. Je suis déshydraté. J’ai la gorge serrée. Je cherche désespérément de la main gauche tremblante de fatigue, le tube flexible qui me permettra de boire. Il faudra que je m’y prenne á plusieurs reprises avant de le trouver. Peu á peu je reprends une respiration normale.

Je n’ai vu personne depuis un long moment. Je doute être sur la bonne piste. Ce n’est pas bien grave pour l’instant car je suis sûr d’être dans la bonne direction. Je profite d’une belle touffe d’herbe haute porteuse pour immobiliser la moto un instant. J’ai soif et mon Camel bak est vide. Je dois donc prendre de l’eau dans mon sac. J’entends un camion qui s’approche. Je remonte sur la moto et je repars aussitôt sur ce sable extrêmement mou. Le camion me rattrape imperceptiblement et je décide finalement de le laisser passer. Je m’écarte sur la gauche et soudain la moto s’immobilise, avalée par la terre. Je n’ai pas á descendre de la moto mais plutôt á me relever compte tenue que la selle se retrouve á la hauteur du sol.

J’essaye de la secouer en vain. Je n’ai plus d’eau et je suis á bout de forces. La voiture rouge qui m’a envoyé dans cette direction me rejoint bientôt, tractée par un camion. Ils avancent lentement et me font signe qu’ils ne peuvent pas s’arrêter. Ils me jettent néanmoins deux bouteilles d’eau fraîches. Eh oui les amis ! il y a un frigo dans les voitures.

Je m’installe sur le bord de la piste, adossé á mon sac. Le téléphone sonne. C’est Paris qui se préoccupe de mon arrêt prolongé. J’informe de mon état de santé excellent. J’attends juste un bon samaritain qui me sortira de ce trou. Paris accuse réception et m’indique que dans le pire des cas le camion balai se trouve á 80 kms en arrière, soit environ 4 heures d'attente. On m’indique aussi que je suis tout au plus á 6 kms du CP. Je demande alors si je peux envisager chercher de l’aide á pied jusque là bas. Paris me confirme qu’il n’est pas question de laisser un véhicule remonter á contre sens le parcours. Si je pars á pied, c’est sans retour.

Je vais donc attendre qu’un concurrent veuille bien s’arrêter pour m’aider. J’en verrais très peu et aucun ne s’arrêtera. Je suis presque convaincu que le gros du rallye passe de l’autre coté de la dune. Je vois de la poussière. Parfois j’entends des bruits lointains. Le soleil commence à tomber. Il fait moins chaud. Paradoxalement, je me sens extrêmement bien, seul sur cette piste alternative. J’ai encore de l’eau, des cigarettes et des barres de céréales. J’ai même de la musique car je viens de sortir pour la première fois mon Ipod de ma poche. Je pourrais considérer que je suis dans une situation critique, mais je préfère plutôt penser que je suis loin de tout souci sur cette plage immense. Certes, la mer est un peu loin, mais je m’endormirai sereinement sous des airs de musiques natives.

A SUIVRE …… mettez une petite coche si vous avez lu

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