mardi 24 février 2009

Les prochains articles

Seul dans les dunes (suite) - Le course devient un Raid - La chambre á air de Jordi Viladoms - Les motards décimés - Les coulisses du Dakar - Une journé type au bivouac - Mon ami Gabriel Bottazzini - Valparaiso journée de repos - Le désert d'Atacama - Les spéciales neutralisées - La cordillére des Andes - Un peu d'écologie - Une chaleur torride - La descente vers Buenos Aires - Tout perdre en 10 secondes. - L'euphorie de l'arrivée - Le troisiéme homme - La tritesse du lendemain - Montréal -20 degrés - Le salon de la moto - Epilogue

lundi 23 février 2009

Erratum


Vous avez été nombreux á consulter le site http://www.dakar.com/ á la rubrique "participants". Vous avez donc pu constater que mon nom apparaissait en tant que pilote KTM. Or comme vous le savez j'ai participé au Dakar sur une YAMAHA WR450F.

Cette erreur a été signalée á l'organisation du rallye qui malheureusement n'a pas encore modifié son site sur lequel je n'ai aucun pouvoir d'administration.

Mon choix de participer sur une Yamaha a été clairement exprimé au cours des articles précédents. Je reste convaincu que la meilleur qualité que l'on puisse demander á une moto est de fonctionner. J'ai parcouru 7000 kms sur ce rallye sous des chaleurs extrêmes avec le même moteur strictement d'origine qui fonctionne encore á merveille. Les problèmes électriques dont j'ai été victime ne sauraient être imputés au manufacturier Japonais car le faisceau n'était pas celui d'origine.

Je tiens á m'excuser auprès de Yamaha pour cette erreur indépendante de ma volonté. Yamaha Canada m'a apporté son soutien et je trouve dommage qu'une telle erreur puisse mettre en doute ma loyauté.

Indépendamment de la relation qui me lit avec Yamaha, je tiens réellement á transmettre á mes lecteurs que je suis un inconditionnel de la marque. Durant mes 2 dernières années de pratique de moto cross, je roulais sur YZ125 et 250. Je me souviens de ces années comme une période de confort quand á la fiabilité.

La puissance pure d'une moto ne fait pas le pilote. Arrêtons de pinailler pour 4 ou 5 CV vapeurs de plus ou de moins. Marc Coma sur une mobylette irait toujours 2 fois plus vite que n'importe lequel d'entre nous. David Frétigné sur une WR450 est arrivé 3eme au général et surtout 1er en catégorie moins de 500cc, devant une papardelle de grosses cylindrées.

Alors mes amis, si vous voulez profiter de votre machine pendant des années avant de la céder á votre descendance, achetez une WR450F. Si vous n'avez pas le budget alors achetez une XT500 1983, ça marche encore.

vendredi 20 février 2009

18 - Seul dans les dunes


La deuxième spéciale débute directement depuis le bivouac de Santa Rosa. Il est 5 heures du matin et Gilles Tixador vient de me pincer le gros orteil. Il en fera une habitude chaque jour jusqu’au retour á Buenos Aires. Il faut dire que je ne suis pas matinal. J’éprouve même une satisfaction vicieuse á me réveiller pour prendre conscience de ma deuxième tranche de sommeil á venir. Ors, sur le rallye je n’ai aucune difficulté á sortir de mon sac de couchage. La veille j’avais préparé mes affaires selon les instructions maternelles de Gilles. J’enfile mon pantalon et mes bottes. J’entends les premières motos démarrer mais je traine car mon heure de départ n’intervient que dans une petite heure.

Le rythme de la course s’est déjà imposé. Je démarre la moto une première fois pour m’assurer qu’elle fonctionne avant que le camion et les deux 4x4 d’assistance ne partent rejoindre le bivouac suivant. Tout va bien et je regarde les véhicules s’éloigner.
Les mécaniciens sur un Dakar dorment très peu et surtout très mal. Ils partent en général entre 4 et 5 heures du matin après avoir travaillé toute la nuit sur les motos. C’est seulement après s’être installé dans leur siège baquet qu’ils pourront chercher le sommeil, le coup tordu et le corps tout entier subissant les secousses de la piste. Cette torture dure toute la journée. Ils arrivent en général au bivouac dans l’après midi. Si un mécano a la chance d’être associé á un bourricot comme votre serviteur, il aura alors la possibilité de faire une belle sieste, de prendre une bonne douche et de trainer au réfectoire. En revanche, s’il est chargé de la moto d’un cheval de course, il devra céder ces privilèges au pilote.

Il est 6 heures. J’enfourche la Yamaha et je prends la direction du départ en me faufilant au milieu du campement en pleine effervescence. Je retrouve Stéphane avec qui j’ai le temps d’échanger quelques mots avant que le juge ne me fasse signe de m’avancer. Une feuille de course glissée dans la poche, une tape sur l’épaule et me voila parti pour la deuxième spéciale longue de 270 kms á travers la Pampa.
La piste sablonneuse traverse plusieurs zones habitées. Le road book indique une alternance de DZ et de fin de DZ sur plusieurs kilomètres. Je me rend compte, moi le rebelle des limitations de vitesses et consommateur compulsif des points du permis, que même ici je vais surement encore me prendre un ticket. Il faut en effet beaucoup de concentration pour ne pas dépasser les 50 km/h.
Au bout d’un quart d’heure Stéphane Charlier, parti 1 minute pares moi, me rattrape. Je me colle á sa roue pour éviter la poussière. Il est rapide et alerte ce Belge, mais je me concentre désormais sur le pilotage pour maintenir le rythme, négligeant totalement la navigation. Cela fait une bonne heure que nous roulons ainsi. Nous rattrapons même quelques motos. Soudain Stéphane freine puis amorce un virage serré á 90 degrés sur la gauche. Je n’ai pas réagi et je m’offre un tout droit, essayant désespérément de freiner pour ne pas m’empaler dans les clôtures. Je couche la moto qui glisse et s’immobilise sous le fil d’acier. Stéphane est déjà hors de vue lorsque je me retrouve de nouveau assis sur la selle. N’ayant pas actualisé mon road book depuis plusieurs dizaines de kilomètres, je dois avant de redémarrer retrouver ce maudit virage á 90 degré et me recaler dessus.

Je continue donc seul et je sens bien que je vais moins vite. Mon lièvre s’est échappé et je reprends mon rythme de hippie globe trotter. La piste a désormais disparue et je me retrouve au milieu de la Pampa rempli de doute. Suis-je dans la bonne direction ? Il n’y a pas de trace au sol car l’herbe sèche ne marque pas. Peu á peu mon instinct de pilote d’avion et de marin refait surface. C’est forcément par là me dis-je. Alors j’avance tranquillement pour ne pas me laisser distraire par les traitrises du terrain. C’est seulement après avoir retrouvé une piste bien tracée que je remets un peu plus de gaz. Je gravis une dune et au moment d’entamer la descente vertigineuse, la moto cale. Inévitablement je m’offre ma deuxième chute de la journée. Je suis tres surpris car il ne me semble pas avoir commis de faute. Je redresse la moto avec beaucoup d’effort sur cette pente abrupte, et elle m’entraine vers le bas. J’actionne le démarreur mais rien ne se passe, même pas un petit signe de vie. Je viens de me rendre compte que je n’ai plus d’électricité sur la moto. J’enlève alors mon casque, mes gants et ma veste, pour m’allumer une cigarette bien méritée.


A SUIVRE

lundi 16 février 2009

17 - Le pilotage ( suite )


La technique de pilotage pour changer de direction commence par le freinage, plus ou moins intense selon qu’on choisisse la corde ou bien l’extérieur. Pour effectuer un freinage efficace, il faut être debout sur la moto le plus reculé possible, jambes et bras presque tendus. Le frein avant est dosé avec deux doigts pour approcher la limite de l’adhérence, alors que le frein arrière est utilisé par à coups pour placer la moto dans la position idéale avant le virage, c'est-à-dire en position d’appel-contre appel.

Pour un virage à droite, cela consiste à déraper légèrement du coté opposé au virage. Au moment de relâcher le frein, la moto inverse systématiquement le sens du dérapage. C’est aussi le moment de s’asseoir et de remettre les gaz avec douceur mais constance car c’est l’accélération qui permet de tourner, comme tout véhicule à propulsion d’ailleurs. La roue arrière chasse et le guidon est placé naturellement en position de contre braquage.

Il est capital qu’une moto de rallye soit équipée de bonnes suspensions. Le terrain est inégal et la moto subit des impacts ininterrompus. Les suspensions de la majorité des motos de série sont trop souples, surtout à l’avant. La chaleur liée aux longues heures de fonctionnement diminue la fermeté et la détente de la fourche et il devient alors très difficile de contrôler la moto. Ce phénomène déjà très inconfortable en ligne droite devient extrêmement délicat au moment de changer de trajectoire. La fourche s’enfonce et moto a tendance à vouloir aller tout droit, bien que les freins soient relâchés au moment de rentrer dans la courbe. On dit que la moto sous vire. Ceci fut le cas pour ma moto, n’’ayant pas le budget pour me payer une bonne fourche Ohlins avec amortisseur de direction. Ce phénomène sera en plus amplifié par le fait que la suspension arrière a reçu quand á elle une préparation efficace mais disproportionnée par rapport á l’avant.

Dans le cas des grandes courbes rapides, il convient en général de rester debout, le poids sur l’avant pour avancer l’axe de pivot et pour éviter d’écraser la suspension arrière. Le pilote serait dans ce cas éjecté au moment de la détente du ressort. L’accélération et le contre braquage déterminent le rayon du virage. C’est certainement le virage le plus joli à regarder. Quand il est exécuté par Marc Coma ou Cyril Despres, c’est de l’art.

samedi 14 février 2009

16 - Tout sur le pilotage

Cet article s’adresse particulièrement á ceux qui n’ont pas eu la chance de pratiquer la moto off road et qui se demandent comment on peut tenir en équilibre. Les experts trouveront certainement ces explications ennuyeuses mais le but de ce blog est avant tout de faire découvrir ce merveilleux loisir trop souvent associé á une image de voyous dégénérés nuisibles, que l’on appelle aussi motards.

Une moto tient en équilibre de la même manière que la toupie d’un enfant reste verticale tant qu’elle tourne sur elle même. Ce phénomène physique se nomme la précession gyroscopique. Plus la précession est grande, plus la force gyroscopique s’exerce. Il est très difficile de faire basculer une toupie qui tourne très vite. Tout au plus, elle sera déviée, mais elle reprendra sa position verticale presque instantanément. Ceci s’applique aussi à une moto. Plus la roue arrière tourne vite, plus il sera difficile de faire basculer la moto. Certains de nos voyous dégénérés nuisibles utilisent ce principe pour rester en équilibre alors que la moto n’avance pas. C’est le burning. Il suffit de bloquer le frein avant et de faire patiner très vite la roue arrière. En général, ils font cela pour célébrer l’agression d’une petite vieille.

Sur le sable, on dit que la moto danse, c'est-à-dire que l’arrière de la moto vacille de droite á gauche. Plus on va vite, plus la fréquence de cette rumba est rapide et plus la moto veut rester verticale. C’est très impressionnant mais moins dangereux que cela ne parait. Il convient de serrer la moto entre ses genoux mais de ne pas chercher á compenser ce mouvement avec le guidon. Ce vacillement est tout simplement du aux légères contrariétés que la roue avant impose á la roue arrière. Je ne rentrerai pas dans le détail car cela deviendrait trop compliqué. Disons simplement que la fourche avant n’étant pas verticale (angle de chasse), la direction change seule vers la droite ou la gauche en fonction de la trajectoire de la moto. Comme notre toupie, ces petits chocs successifs obligent la roue arrière á rechercher en permanence son équilibre stable. La plupart des motos de rallye sont équipées d’amortisseur de direction pour limiter ce phénomène. Ce mécanisme hydraulique augmente le confort de pilotage, donc réduit la fatigue et le stress.

Il est extrêmement dangereux en revanche de couper les gaz dans le sable. La force gyroscopique induit alors un contre effet brutal et la moto devient incontrôlable. Souvenez-vous de ma chute lors de la première spéciale. Le pilotage d’une moto dans le sable est contre nature. Alors que la raison commande de freiner, il faut impérativement accélérer pour se sortir du mauvais pas.C’est pour cela que les pilotes off road ont tous une sacrée belle paire… de gants pour bien s’agripper au guidon.

Un pilote débutant sera handicapé par la moto. Puis, avec du temps et de la pratique, il oubliera le matériel pour se concentrer sur la piste et anticiper les réactions. Le regard portera alors de plus en plus loin. Il finira par faire confiance á la précession gyroscopique, puis se cassera forcement la figure. Décidément, on ne peut faire confiance á personne.
Nous verrons dans la suite de cet article l’assiette de la moto et les changements de trajectoire. En attendant, vous êtes invités á visionner ce petit film qui démontre le pouvoir de la précession gyroscopique liée au talent. Ne faites pas ça chez vous. Allez plutôt chez les voisins.

A SUIVRE ....

jeudi 12 février 2009

15 - Le bon samaritain


Cette première étape aura été particulièrement difficile pour les plus expérimentés des pilotes moto. Elle l’aura aussi été pour le Belge Stéphane Charlier, arrêté à 5 km de l’arrivée de la spéciale, victime de soucis de moteur. Mais en Afrique comme en Amérique du sud, l’esprit de solidarité reste présent sur le Dakar. « J’arrive à rejoindre l’arrivée grâce à Pierre (Navarro) qui m’a remorqué avec une sangle », explique le motard. « Je l’ai trouvé allongé sur le bord de la piste, il m’a dit qu’il pensait avoir cassé son moteur », raconte Pierre Navarro, le bon samaritain du jour. J’ai regardé mon road book et j’ai vu qu’il ne restait que 5 kms. Ça aurait été vraiment trop bête d’arrêter là. C’est aussi pour ça que je fais le Dakar, pour ses valeurs humaines. ».


Source A.S.O Article du 3 Janvier 2009


Au cours d’une épreuve comme le Dakar, on peut s’attendre á des actions nobles et solidaires. Le moindre petit geste d’entraide se transforme en acte héroïque sous les feux de la rampe, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une situation critique pour un des protagonistes. Cependant je suis convaincu que dans la vie de tous les jours, certains font preuve de plus gros sacrifices. Cela fait partie tout simplement de la nature humaine, et la nature humaine n’est certainement pas une exclusivité du Dakar.
Il faut donc considérer « l’esprit du Dakar » comme un reflet du bon côté de la nature humaine qui tend aussi á disparaître dans ce rallye de plus en plus disputé. De cette fatalité, personne n’est á blâmer. L'époque est ainsi faite et l’on ne change pas le monde avec un blog. Si aujourd'hui j’éprouve encore de la passion pour le Dakar, j'avoue être nostalgique des ‘premières éditions.

Dans le contexte de ce jour lá, je n’ai aucune performance á atteindre hormis d’arriver tout simplement. Ceci est totalement illogique puisque nous sommes au milieu de la plus grande course du monde, mais c’est ainsi. C’est le Dakar que je me suis choisi. Aider Stéphane á atteindre la ligne d’arrivée en fait partie.
Je pense que si j’avais été préoccupé par le chronomètre, je n’aurais pas perdu les deux heures qui nous ont reléguées á la 208eme et 209eme place du classement, alors que j’aurais pu finir dans les 160eme. Pour soulager notre ego, nous nous sommes réjouis de la 210eme place de Duclos, pilote officiel KTM, oubliant volontairement qu’il avait tout simplement crevé. Il faut aussi rajouter au coût de ces deux heures perdues le fait que le lendemain nous repartions dans les derniers, rattrapés presque immédiatement par la horde des autos et surtout des camions. Stéphane chutera lourdement, se fracturant l’épaule, et je perdrais 9 heures dans des circonstances que vous découvrirez prochainement.

Ce remorquage a largement été relaté sur divers canaux d’information dans plusieurs pays. Je suis devenu officiellement le « bon samaritain du Dakar », tout simplement parce que ce jour là j’étais disponible. Ceci dit, j’en suis très fier et cela restera un excellent souvenir d’autant plus que nous avons été vraiment bons dans cet exercice difficile dans le sable.

Nous pouvons regretter simplement que le contexte quotidien de l’humanité se dégrade. La noblesse de la nature humaine a de plus en plus de mal á s’exprimer, mais elle est cachée en chacun de nous.

14 - La premiere spéciale ( suite )


Le premier ravitaillement au kilomètre 250 me donne l’occasion de saluer et d’échanger quelques mots avec Etienne Lavigne, Directeur de Amaury Sports Organisation. Il se déplace dans uns des 11 hélicoptères du Dakar, ce qui lui permet de venir jeter un œil sur le ravitaillement moto, puis de rejoindre n’importe quel point du parcours en quelques minutes. J’imagine alors le réconfort que devait procurer une rencontre fortuite au milieu du Ténéré avec le très charismatique Thierry Sabine, fondateur du Paris Dakar, mort de sa passion en 1986.

Les pleins sont effectués mais il faut que j’observe un arrêt obligatoire de 15 minutes. C’est le moment dont profitent les pilotes pour avaler quelques barres de céréales, boire une bouteille d’eau et remplir le Camel Bak vide depuis déjà longtemps compte tenu de la chaleur torride. Il fait d’autant plus chaud que nous portons une carapace de carbone sous nos vestes de 3 kilos, ainsi qu’un collier renforcé qui nous protège en théorie du coup du lapin.
Pour d’autres, c’est la pose cigarette. Il est de notoriété publique que la cigarette nuit á la santé, mais après 250 kms de poussière avalée, la première cigarette prend un goût exquis, la deuxième aussi d’ailleurs. Depuis le début de se projet, mon ambition affirmée est de simplement boucler le Dakar. Je me moque totalement du chronomètre. Malgré tout je m’aperçois que je ne suis pas le dernier contrairement á ce que je pensais. Pour un peu je me prendrais au jeu et je démarrerais en trombe en soulevant une belle gerbe de sable derrière moi. Alors pour me raisonner, j’allume une troisième cigarette …

Finalement je repars tranquillement. Je me sens plus á l’aise depuis une bonne centaine de kilomètres. Malgré la prudence que j’affiche, la suspension avant est venue á deux reprises buter dans un claquement effrayant. Compte tenu du débattement important sur ces motos, on peut facilement imaginer l’impact. Mon rythme est régulier mais je dois m’arrêter toutes les deux minutes environ pour laisser passer les voitures. La piste est dangereusement bordée de clôtures en fil barbelé. La Pampa est une région agricole et seules les pistes que nous empruntons délimitent les propriétés. Il n’y a donc aucun moyen de s’écarter de la trajectoire des voitures pour éviter de se retrouver dans leur poussière. Il faut juste s’arrêter le plus vite possible sur ce terrain sablonneux tout en se serrant le long de la clôture de droite, puis attendre que la visibilité se rétablisse un peu.Cette routine durera jusqu’á ce que j’aperçoive une moto arrêtée sur le bord de la piste, á 5 kilomètres de la fin de la spéciale. Cet événement anodin va devenir bientôt un épisode très médiatique, mais surtout un épisode qui sera á l’origine d’une belle amitié avec Stéphane Charlier, pilote Belge. Je vous raconterais cela dans le prochain article : Le bon samaritain.

La liaison de 200 kilomètres se déroule sous une luminosité de fin d'après midi d'été. La route est bordée d'arbres sous lesquels des milliers de familles se sont installées pour regarder passer la caravane du Dakar. Les chaises et les tables laissent supposer qu'elles ont campé là toute la journée. Dans cette ambiance de Tour de France, nous sommes accueillis á Santa Rosa par une foule enthousiaste et le ravitaillement donne prétexte á une très longue séance de photos et d'autographes.Je suis fatigué mais je ne le sens pas. La veille je n'avais pas dormi et je viens malgré tout de terminer ma première spéciale de cette course dont j'ai tant rêvé. Je suis tout simplement heureux et j'ai envie de partager ce bonheur.

mercredi 11 février 2009

13 - Tout sur la navigation

Contrairement aux idées reçues, bien que obligatoire dans les compétitions internationales, le GPS n'est pas utilisé par les pilotes dans sa fonction de routage. Seul la fonction boussole est active. Le GPS rempli donc deux fonctions majeures au bénéfice de l'organisateur du rallye. Premièrement, dans le cadre de la sécurité, il permet de localiser un pilote en détresse. En second, il permet de vérifier que le parcours a été respecté dans son intégralité, c'est á dire les points de passage obligatoire (WP) et les limitations de vitesse dans certaines zones habitées (DZ). Le pilote se voit imputé de 3 heures de pénalité pour chaque point de passage obligatoire non respecté. La disqualification définitive du concurrent sanctionne quatre WP manqués.

Alors comment navigue t'on sur un rallye comme le Dakar ?

Tout le monde se souvient des divertissantes chasses au trésor dans le jardin de son enfance. Chaque nouvel indice marqué d'une flèche nous renvoyait vers le suivant, jusqu'à tomber finalement sur le paquet de bonbons soigneusement caché, parfois très proche du point de départ.
Eh bien, le principe est exactement le même. Le pilote se voit remettre une feuille de route (Road Book) qui illustre point par point le parcours á suivre. Il se présente sous la forme d'un rouleau de papier d'environ une quinzaine de centimètres de largeur et d'une longueur une fois déroulé pouvant atteindre vingt mètres. Avant d'installer ce rouleau sur le dérouleur de Road Book électrique dont toutes les motos sont équipées, le pilote doit l'étudier point par point tout en marquant avec des couleurs bien visibles les changements de direction, les dangers, les indices remarquables et les caps á suivre. Cet exercice fastidieux est indispensable car il faut être capable de décoder les indications tout en roulant á grande vitesse sur des pistes dangereuses.

Chaque point est représenté par le kilométrage depuis le début du parcours et la distance qui le sépare du point précédent, puis une vue de la piste á suivre complétée par les instructions ou remarques permettant d'atteindre le point suivant. (cf photo en début d'article).

Lorsqu'un pilote perd le fil , il se perd inévitablement car il ne dispose d'aucun autre moyen pour identifier sa route future. On dit alors dans le jargon rallye qu'il jardine. Il doit dans ce cas revenir sur ses pas jusqu'au dernier point connu, puis recaler le compteur kilométrique avant de reprendre finalement le bon chemin vers le point suivant.

Il est intéressant de signaler que les pilotes de tête utilisent ce stratagème pour perdre les poursuivants. En effet, le jeu consiste á partir volontairement dans une mauvaise direction en espérant être suivi avant de faire demi tour pour reprendre la bonne piste. Stéphane Perterhensel, recordman des victoires au Dakar, domine largement cette technique.

Dans ce jeu de piste, la récompense n'est pas un paquet de bonbon mais un poste de ravitaillement essence improvisé dans le désert qui permettra d'atteindre ensuite le CP de fin de spéciale. là où le chronomètre s'arrête.

Pour pouvoir suivre fidèlement le road book, il faut nécessairement que la moto soit équipée d'un totalisateur de distance précis á 10 mètres près. Cet instrument appelé Trip Master est couplé á une commande au guidon pour le recallage permanent. Il faut ensuite une boussole électronique pour indiquer le cap suivi par la moto.
Ces trois composants, (1) Road Book á commande électrique, (2) Trip master et (3) Compas électronique sont placés á hauteur des yeux, le pilote étant debout 75% du temps sur une moto off road. Il faut en permanence avoir un oeil sur la piste, un oeil sur les instruments et un troisieme sur les indicateurs de température d'eau et de pression d'huile. Pour corser la difficulté, il faut aussi manipuler en même temps l'embrayage, la commande du road book, la commande du trip master, les freins et la commande de gaz, sans oublier le sélecteur de vitesse.
Rajoutez la poussière et vous comprendrez pourquoi cet exercice dangereux de coordination et de funambule á grande vitesse a fait la légende des rallyes raid, et plus spécifiquement celle du Dakar.

Au cours de la deuxième spéciale, mes instruments, y compris le dérouleur électrique, tomberont en panne á cause d'une surtension électrique. J'ai dû adopter la méthode de l'estime, c'est á dire évaluer á peu prêt la distance séparant deux points du road book déroulé manuellement.

Pour avoir une idée de la difficulté, je vous invite á visionner la vidéo suivante.
http://www.youtube.com/watch?v=q2prWobYlt8

lundi 9 février 2009

12 - La premiere spéciale


La nuit du 2 au 3 Janvier, date de la première vraie spéciale, fut très courte et agitée. De retour á l'hôtel vers minuit, Catherine et moi ne trouvons pas le sommeil. L'idée qu'il faille se lever á 4h30 du matin nous stresse plus que ne nous incite á dormir.
Je retrouve les autres pilotes á 5 heures du matin prés du camion d'assistance. La température est très douce et j'enfile les accessoires de protection en carbone. Mon carton de pointage indique 6h17. Les pilotes n'étant autorisés á pénétrer dans le parc fermé que 15 minutes avant leur heure de départ assignée, cela me laisse encore un peu de temps pour bavarder, signer quelques autographes, plaisanter avec Cathy... bref, tout ce qui pourrait faire oublier l'inévitable échéance car les doutes et les craintes m'envahissent; peur de ne pas être á la hauteur et aussi de réaliser que la douceur de ce vieux rêve vient de disparaître á jamais, remplacée par la réalité et les risques que cela comporte.
Avec deux autres pilotes de l'équipe MécaSystem, nous avons convenu d'effectuer ces premiers 225 km de liaison ensembles, tous certifiant sur l'honneur de ne pas dépasser les 90 km/h pour ne pas endommager les mousses de polyuréthane qui remplacent les chambres á air sur des motos de rallye. Ces mousses sensibles fondent et se rétractent sous l'effet des fortes chaleurs.Des trois ivrognes, je suis le seul á respecter ma promesse, et je me retrouve donc rapidement distancé. Ma moto ronronne merveilleusement bien car á cette vitesse le moteur est très peu sollicité. Je profite de signes d'amitié et d'encouragement des spectateurs placés sur le bord de la route tout au long du parcours. Peut on imaginer un cordon humain de 225 kms?
Le ravitaillement est situé á 2 kms du départ de la première spéciale longue de 380 kms. Une fois les réservoirs pleins, je me présente au CP1 et déjà le juge me fais signe de m'avancer pour prendre le départ. Il me tamponne mon carton qu'il m'aide ensuite á enfiler dans ma veste. J'enclenche une vitesse et je parts presque immédiatement.
La piste est étroite. Le sable, encore chargé de la rosée matinale, est porteur mais déjà creusé par le passage des 200 motos qui m'ont précédées, ayant un peu trop pris mon temps sur la liaison. Je suis raide car je réfléchis trop. Il me faudra une centaine de kilomètres pour petit á petit me débarrasser de cette tension néfaste pour le pilotage et épuisante physiquement. Je retrouve progressivement des sensations oubliées depuis 22 ans. En guise d'entraînement pour le Dakar, j'ai effectué seulement 400 kms sur l'asphalte pour le rodage de la WR450F. C'est seulement maintenant que je réalise que je participe au plus grand rallye du monde, le plus long aussi.
Je me persuade que cette spéciale ne comporte aucune difficulté. Je suis dorénavant á l'aise et j'avale les kilomètres á un rythme régulier, ménageant la monture et le chevalier. De plus en plus sûr de moi, j'étreins la machine entre mes genoux et je dose délicatement la commande des gaz.Alors que je roule á environ 120 / 130 sur une belle ligne droite, l'avertisseur sonore me signale que la première voiture est sur le point de me dépasser. Je me sert sur la droite et presque au même moment la Mitsubishi me double dans un nuage de poussière jaunâtre. Je ne ralenti pas immédiatement, pensant qu'en fixant un nuage á l'horizon je pourrais maintenir une trajectoire rectiligne, la piste en elle même ne présentant pas de danger apparent. Mais bientôt je me rends compte que mon nuage providentiel va être occulté par la poussière dense, montante et persistante. Je ralenti mais il est trop tard. Je perds toute référence visuelle á environ 60 km/h et je m'offre une belle chute, la première, la plus spectaculaire aussi comparée á toutes celles qui suivront.
A SUIVRE....

mardi 3 février 2009

11 - 500.000 spectateurs


Raconter une expérience aussi intense que celle vécue au cours du prologue á Buenos Aires n'est pas chose facile. Il faut tout d'abord ne pas tomber dans le mélodrame et ensuite faire imaginer la densité de personnes réunies pour le même objectif... Être là.

Être là!... Cela peut paraître évident, pourtant ça ne l'est pas á mes yeux. On peut s'attendre en effet á ce que les passionnés de sports mécaniques se lèvent très tôt le matin pour voir défiler les véhicules et les pilotes dont ils connaissent déjà les caractéristiques pour les avoir parcourues dans les revues spécialisées ou bien plus communément sur Internet. Pourtant, ils étaient 500.000 hommes, femmes et enfants de tous âges á affronter les embouteillages, les bousculades et l'attente interminable sous une chaleur accablante, pour tout simplement voir passer furtivement des gladiateurs casqués et d'avoir le sentiment d'être là, de faire partie de l'histoire.

Ce 2 janvier, la première moto démarre. Il est 16 heures et il fait encore très chaud. Le parcours entre le parc fermé, le podium situé sur l'avenue 9 de Julio et retour au parc fermé, soient 5 petits kilomètres, demandera aux pilotes 1h30 de concentration afin d'éviter le pire.

Je suis convoqué au CP á 17h12. Dés le passage de la grille, un couloir humain est formé sur des dizaines de rangés. Je pense d'abord que la foule s'est tassée á cet endroit stratégique, mais rapidement je découvre que cela va en empirant au fur et á mesure que je me noie dans cette marée humaine. Je commets l'imprudence de m'arrêter. Immédiatement je suis assaillit par des dizaines de mains qui m'agrippent de toute part. Je craints pour mon bras gauche car si je lâche l'embrayage, les 200 kilos de la moto vont bondir sur la foule où les enfants sont nombreux. D'autre part, le pot d'échappement est déjà ardent bien que je vienne á peine de partir. Je me risque á avancer avec douceur mais détermination toutefois. Magiquement les gens s'écartent juste devant moi. Je ne m'arrêterais qu'en dernier recours les fois suivantes. L'avenue Libertador est maintenant parcourue au terme d'une bonne demi-heure. Je m'engage dans une des plus grandes avenues du monde, la 9 de Julio. Cette artère compte 18 voies de circulations, mais je n'en vois qu'une. Toutes les autres sont noires de monde. Un militaire est posté tous les 20 mètres. Malgré cela, j'ai l'impression que les barrières vont céder sous la pression des spectateurs euphoriques.

Comment ne pas être ravi de cet hommage ? Je cède, je l'avoue, á l'ivresse de la popularité. Mais le sentiment d'usurper le rôle d'un champion que je ne suis pas m'empêche de jouir complètement de la situation. J'essaye en vain de modérer les excès d'enthousiasme de la foule par une attitude des plus sobres. Ces gens sont venus chercher de l'émotion et de l'intensité. Peu importe la réalité qui se cache sous le casque. Certains parents prennent des risques insensés pour forcer leurs enfants á me toucher, convaincus que cela portera chance á leur progéniture. J'aperçois de temps á autre des personnes qui pleurent, victimes certainement de leur sensibilité et de la liesse populaire. Nous sommes célébrés comme des demi Dieu, comme des libérateurs.

La réponse á ce phénomène est peut être là. Nous sommes, je crois, perçus comme des libérateurs de la platitude du quotidien et de la morosité latente. En vérité nous ne sommes que des enfants gâtés vivant un rêve égoïste, des privilégiés nantis en quête d'aventure.


Dois je être dérangé par cette illusion ou bien dois je me réjouir d'avoir donné un peu de rêve et de courage á tous ces gens ?
Je ne suis pas encore certain de la réponse. En fait je suis très partagé.



10 - Le contrôle technique (suite)


L'organisateur du Dakar est Amaury Sports Organisation. Cette société s'appelait auparavant Thierry Sabine Organisation (TSO) du nom du créateur du défi. La mise en oeuvre de ce qui est l'épreuve sportive mécanique la plus imposante du monde, toute catégorie confondue, demande bien entendu de l'expérience, des moyens mais aussi beaucoup d'espace.

C'est pour cette raison que le contrôle technique se tient dans l'enceinte de La Rural, centre d'exhibition bien connu de Buenos Aires. Une partie des locaux est réservée aux stands administratifs qu'il faut visiter un á un afin d'y obtenir un tampon sur la feuille de course. Entre les documents du véhicule, les permis et licences FIM, les certificats médicaux, les justificatifs de stage de navigation et de sécurité, le casque, les formalités douanières et finalement l'aspect comptable, se sont environ une vingtaine de stand où se pressent les pilotes et assistances, parfois ralentis dans leur course par la rencontre d'un vieil ami.

Catherine qui m'a rejoint á Buenos Aires le 31 décembre, m'accompagne aujourd'hui grâce au bracelet que j'ai pu lui obtenir la veille auprès de Nelly d'A.S.O. En effet l'accès á la Rural est restrictif dans la zone compétition. Catherine sera extrêmement efficace pour repérer les stands les plus fluides. Je suis en effet tellement embrumé par le plaisir d'être ici que j'en perds même mon casque au stand FIM. Il faut dire aussi que je suis très inquiet. En effet, le Québec est apparemment le seul pays qui ne délivre pas de certificat de circulation pour les machines d'enduro. Or, les motos inscrites dans un rallye raid doivent être légalement conformes pour effectuer les parcours de liaison. On imagine mal une machine conçue pour un usage routier participer au Dakar. Pour contrer cette mesure de "lobbyiste aseptiseur', j'adopte mon air le plus détaché au moment de présenter mon certificat dont le numéro commence par les deux lettres les plus inutiles d'une société conservatrice: VM, c'est á dire usage de loisir dans son jardin. Etant pére de famille, je suis plus inquiet de voir mon jeune fils devant des dessins animés violents plutôt que de l'imaginer sur une moto. Dieu merci, l'Argentine est encore un grand jardin et ma WR450F est là pour donner du plaisir á ceux qui savent rêver. J'obtiens donc ce tampon sans aucun problème.

Ce n'est qu'une fois la feuille de course entièrement tamponnée que l'on est autorisé á pénétrer avec sa machine dans la partie technique autour de laquelle le public est autorisé. Le chemin est délimité par des barrières derrières lesquelles plusieurs centaines de personnes se bousculent. Je m'avance dans ce corridor entouré par Catherine et Cyril, mon mécanicien. Je suis assez ému et intimidé á la fois par cette foule imposante. Il ne s'agit pourtant là que d'une formalité technique, mon inquiétude ayant disparue au moment de recevoir le fameux tampon. Pourtant je ne suis pas au bout de mes surprises...

La moto vient de passer le stand des dossards de course, et je m'avance pour subir le test de nuisance sonore. Le juge positionne son stéthoscope sur le cadre pour mesurer la fréquence requise, alors que le microphone situé á une distance réglementaire enregistre 102 décibels. La limite autorisée étant de 96 décibels, corrigée á 98 en milieu fermé, est royalement dépassée. Le juge me notifie que je dois modifier ma ligne d'échappement. Je ne fais aucun effort pour essayer de lui faire changer d'avis. Je reste calme et courtois, mais déjà mon regard scrute aux alentours pour essayer de localiser Gilles Tixador, notre team manager. Pendant que Cyril manoeuvre la moto, Gilles nous rejoint accompagné de 2 autres mécaniciens.

Ce qui devait être normalement un sérieux problème va se convertir en un jeu extrêmement divertissant pour nous et pour le public devenu très curieux.
Nous essayons tout d'abord d'enfiler une boite de Red Bull dans le silencieux. C'est sans compter sur la compression énorme de ces machines. La boite est catapultée á plus de 5 mètres. Nous partons á rire, encouragés par les éclats du public. Il faut trouver autre chose. Notre choix se porte alors sur un anneau de pâte á souder. Il faut que ça tienne 5 minutes, pas plus. Nous nous représentons devant le contrôle. Nos efforts nous ont fait gagner...... 1 décibel. L'aiguille n'affiche plus que 101 décibels, soit toujours 3 de trop.
Le juge est un homme admirable de bon sens. Il nous fait remarquer qu'une machine de rallye fait forcement du bruit et que le public adore cela. Alors si c'est au goût du public, c'est á son goût. J'obtiens un tampon de plus sous l'acclamation de la foule satisfaite de ce spectacle.

Le contrôle est maintenant terminé. Il aura duré 5 heures. Il me reste á conduire la moto au parc fermé où elle passera la nuit en compagnie de tous les véhicules de course. Il me faut pour cela accomplir une dernière formalité, c'est á dire le podium TV. Le présentateur m'interroge en Anglais et dans un Espagnol presque parfait, je lui réponds que ma moto porte les couleurs de l'Argentine, pays oú j'ai vécu plusieurs années, et du club de football de Boca. Les cris de la foule en délire couvrent le ronronnement du moteur et la voix du speaker.

Je garderais ces émotions en mémoire, principalement cette étrange sensation de silence au moment de quitter la moto. Je suis heureux d'avoir partagé cette journée avec Catherine qui s'est amusée énormément.