mardi 10 mars 2009

20 - Seul dans les dunes (3)


Il est environ 15 heures lorsque je repars sous l’acclamation déchainée de la foule. Nous avons ensemble assisté á la détresse des concurrents devant franchir une cuvette de sable que les argentins appellent « Bayé ». Il me faut á mon tour franchir cet obstacle profond et j’ai un peu peur de faire mauvaise figure devant ces gens qui m’observent. Je mets alors mon ego en veilleuse pour me concentrer sur le pilotage. Je m’affranchis avec les honneurs. Finalement c’était moins difficile que cela ne paraissait.

Me voila seul sur cette piste de sable fin. Il y a longtemps que le dernier motard est passé. Pour me consoler et inconsciemment pour me rassurer, je me persuade qu’il y a encore une belle brochette de voitures et de camions derrière moi. J’arrive alors devant une dune immense. En mer au milieu d’une tempête, on croit toujours que la vague gigantesque que l’on a dévalé sera la plus haute. Toutes les autres á venir devraient normalement être plus petites. Il n’en est rien. Il y a toujours une vague encore plus grosse. Ici, c’est une dune qui me met dans la même situation affective. Tous ces miles parcourus en mer et ces dizaines de tempêtes essuyées m’ont aguerri. La dune est là et il faut la franchir. C’est une fatalité que j’accepte. Cependant, j’observe que cette dune est prolongée par d’eux autres plus petites sur la gauche. Il me suffirait de gravir la première, puis de me rendre au sommet de la seconde pour finalement rattraper le flanc descendant de cette dune qui me parait tellement haute. Cette option me convient d’autant plus que je suis encore sous le coup de la panne électrique. La moto avance. Certes. Mais la moindre surtension pourrait tout faire brûler compte tenue qu’un vulgaire fil de fer remplace le fusible principal. De cette manière je pourrais soulager le régime moteur et me retrouver de l’autre côté avec douceur. Je ne me préoccupe même plus des instruments de navigation car de toute manière ils ne fonctionnent plus. Nous n’avons pas pris le risque en effet de faire un pontage sur les circuits alternatifs car les instruments auraient forcément été endommagés en cas de surtension.

Me voilà au sommet de la première des trois dunes, puis quelques minutes plus tard je me retrouve sur la deuxième. La descente vers le pied de la troisième dune se passe difficilement. Le sable est vraiment très mou. Le flanc est orienté au sud et le sable a été exposé au soleil bien plus longtemps. Malgré l’inclinaison il faut que je pousse sur mes jambes. Je suis en travers de la pente et je ne suis pas un Dahu. Mes efforts sont désordonnés. La souplesse trop affirmée de la fourche ne m’aide pas. La suspension avant s’écrase et je lutte pour garder la roue avant dans l’axe. Finalement j’arrive au pied de la dune où je découvre une famille installée sur des chaises de camping. Je m’arrête pour boire et boire encore tout le liquide que l’on me tend. Tout le monde veut être pris en photo avec la moto.

Comment se peut il que ces gens soient arrivés jusqu’ici dans une ambiance de piquenique avec un véhicule familiale alors que je dois m’efforcer sur ma machine spécialement conçue pour ce genre de terrain ?. Je ne cesse de me poser la question. Suis-je si nul que ça ?. Le chef de famille, amusé de ma préoccupation, m’expliquera qu’un sentier arrivant de l’est les a conduits jusqu’ici. Ils sont arrivés la veille au soir lorsque le sable était encore ferme. Ils repartiront tard dans la soirée dans les mêmes conditions, sur cette piste qu’ils auront de surcroîts été les seuls á emprunter. Le gars travaille sur une exploitation dans le coin. Il connait parfaitement son affaire.
Cela me rappelle une histoire de Dakar où un pilote moto commentait qu’il s’était retrouvé planté dans une dune en Mauritanie. Un bédouin en babouche chevauchant une veille mobylette Motobécane, les « bleues » comme ont les appelait á l’époque, est arrivé á sa hauteur pour lui demander s’il avait besoin d’aide. Cette situation surréaliste est tout á fait possible, croyez moi.


A SUIVRE

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